Telmo Rodriguez: de ces œnologues qui n’en sont pas

0
494

Le turbulent vigneron gaillacois Patrice Lescaret m’a dit un jour qu’après des études en œnologie, l’important était d’en sortir. De désapprendre, en quelque sorte, pour ne pas s’enfermer dans un moule trop conventionnel. Le même propos pourrait aussi être tenu par le Basque Telmo Rodriguez, qui avait lui-même appris, de la bouche de ses professeurs bordelais (j’ai vécu exactement la même situation…), qu’il ne se faisait rien de valable au sud des limites du département de la Gironde. C’est bien connu, tout le monde sait ça : Bordeaux est le centre du monde !

Mais voilà, Telmo, à l’image de Lescaret et de l’Espagnol Alvaro Palacio, est de cette race d’œnologues qui n’en sont pas. Il serait plutôt du type explorateur de contrées, de ces agrégateurs de cultures qui refont revivre des patrimoines anciens, de ces visionnaires qui voient l’avenir en glanant le meilleur du passé pour mieux se découvrir découvreurs ; découvreurs, oui, mais cette fois des talents que recèlent les vignobles.

Depuis 1994, Rodriguez a essaimé en Andalousie, en Rioja, en Castille Leon comme du côté de Valence, mais c’est dans la Galice intérieure qu’il se concentre aujourd’hui en fournissant au godello, au mencia, mais aussi et surtout à une batterie de cépages anciens souvent complantés dans le vignoble, une jolie paire d’ailes pour s’élever au-dessus de la mêlée.

Sur 80 hectares découpés à même un patchwork de 360 parcelles, l’homme y taille des vins stylés très purs sous le couvert d’une agriculture biologique responsable mais aussi éreintante, comme en témoigne ce millésime 2018 où l’oïdium l’a confiné presque jour et nuit au vignoble. Au final, le prix du raisin au kilo s’affiche quatre ou cinq fois plus cher qu’à Bordeaux !

Pour une mise en bouche, évidemment que le blanc Gaba do Xil 2017 (21,60 $ – 11896113) à base de godello est incontournable en raison de sa bouche nette, franche, saisissante et digeste (5) ★★★ tout comme, en rouge, la version Mencia 2016 Gaba do Xil (19,80 $ – 11861771) au fruité framboisé et épicé, tendre et vivace à la fois (5) ★★★.

Toujours en Galice intérieure, plus spécifiquement du côté de Valdeorras, trois autres cuvées dans le millésime 2015, mais confidentielles cette fois, seront mises sur le marché, à savoir Falcoeira « A Capilla », As Caborcas, et O Diviso. Le prix ? 77,25 $, soit exactement 47 $ de moins que Le Pauillac de Château Latour 2012. Avec une telle trilogie de vignobles pour des vins qui affichent une race indéniable, pourquoi s’attarderait-on à un vin « régional » de la Rive Gauche dont le réel pedigree s’affiche plus sur l’étiquette que dans la bouteille en question ? Je vous laisse réfléchir à cela !

À grappiller pendant qu’il en reste

Montagny « Buissonnier » 2015, Vignerons de Buxy, Bourgogne, France (18,65 $ – 12866291). Cette cave livre ici dans ce millésime solaire et généreux l’expression d’un chardonnay qui non seulement offre beaucoup, mais qui suggère aussi un lieu, une origine précise. Bien sec mais pourvu de rondeur, il décline une salinité perceptible qui lui donne des ailes et un équilibre manifeste. À ce prix, du bon bourgogne à se mettre sous la dent. Ce qui est rare ! (5) ★★★

Château Ducasse 2016, Bordeaux Blanc, France (20,95 $ – 13477959). Que voilà un bon verre de bordeaux blanc ! Net, délicat, précis, bien élevé sous le corset de barriques non contraignantes, ce blanc sec donne le ton, avec élégance et civilité. Et digeste avec ça. (5) © ★★★

Vouvray 2016, Sébastien Brunet, Loire, France (26,95 $ – 13672308). Sébastien Brunet laisse le chenin blanc libre de voler de ses propres ailes à l’intérieur d’un corridor aérien qui le maintient tout de même à l’intérieur de son intégrité minérale d’origine, sans le moindre artifice ni concession. La pureté est manifeste derrière une tension qui nourrit, active et prolonge la finale. Très ligérien tout ça, à mille lieues d’un chenin étasunien ou sud-africain. (5+) © ★★★ 1er février

Château Maris « Les Planels » 2014, Cru La Livinière, Languedoc, France (27,55 $ – 13075474). Des syrahs comme celle-là, mises en expression par la lucidité d’une agriculture biologique d’appoint et vendues à ce prix d’ami, moi, je dis qu’il faut en faire provision. Car jamais, comme avant, cette idée de « cru » rattachée au mot d’origine « Livinière » ne trouve autant son sens que dans cette entité parcellaire. La pureté et la finesse du propos étonnent, au nez comme en bouche, avec ce soyeux de texture qui fait encore une fois tout basculer pour mieux faire rêver. Bref, ce cru a du sens, une origine et surtout une direction. Sans oublier un charme indéniable. (5+) © ★★★★

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here