L’année « vinvin » n’en sera qu’une de plus pour boire du vin. Mais quelle année tout de même ! Êtes-vous toujours partant ? Mieux, ressentez-vous toujours cette palpitation intime qui grise et attise en vous l’esprit de découverte à la vue, au nez et à la bouche du beau vin, comme s’il s’agissait de votre tout premier rendez-vous galant ? Inutile de poursuivre si l’étincelle n’y est pas. Le vin n’a pas de temps à perdre avec quiconque lui préfère le jus de tomate. Même avec une branche de céleri pour lui donner de l’esprit.
C’est bien pourquoi ce début d’année 2020 permet d’y aller avec quelques trucs et conseils d’usage, histoire de maximiser l’expérience du vin tout en se débarrassant d’habitudes parfois douteuses. Comme, par exemple, boire votre Cheval Blanc 2009 un chouïa bouchonné, mais c’est-du-Cheval-Blanc-2009-alors-pas-question-de-le-vider-dans-l’évier, ou encore partager avec un abruti un vin vraiment quelconque dans l’espoir de réhabilité à la fois l’un et l’autre. De quoi vous dégoûter de boire du vin. Du moins avant 2021. Voici 15 idées pratiques pas piquées des hannetons, sans toutefois vous faire la leçon. Il y a tout de même des limites au snobisme, surtout en matière de vin !
1. N’achetez pas un prix mais un vin. Surtout un vin que vous aimez. Vous viendrait-il à l’idée de fréquenter quelqu’un que vous n’aimez pas ? C’est long, 750 millilitres à boire, surtout si l’amertume domine !
2. Faites le ménage côté verrerie en vous débarrassant de verres disparates et dysfonctionnels. Optez plutôt pour une série unique, de bonne qualité et polyvalente, où votre nez pourra plonger sans pour autant s’y mouiller. C’est nettement plus classe. Et puis, vous viendrait-il à l’idée de vous habiller comme la chienne à Jacques ? Habillez de même votre vin du verre le plus beau !
3. Pas besoin de boire votre vin comme si vous étiez dans la cave du vigneron, à une température de 12 degrés Celsius à vous geler le popotin. Assurez-vous par contre de servir plus frais que trop chaud. Vous serez toujours gagnant dans le temps.
4. Vous avez peut-être une mémoire encyclopédique, mais prendre quelques notes de dégustation permet de coucher sur papier ses impressions avec plus de nuances et de subtilité. Tout en les notant dans l’absolu !
5. Vous achetez de façon compulsive pour mieux jouer au jeu « Qui a la cave à vins la plus grosse » ? Vous risquez de vous retrouver la queue entre les jambes en arpentant des allées de cimetière si vous ne faites pas gaffe. Le temps joue ici contre vous.
6. N’intellectualisez pas le vin, vivez-le ! Sans toutefois en abuser. Quand vous ne faites plus la différence entre un pinot noir et un zinfandel, c’est que, de deux choses l’une, vous avez trop bu ou vous ne devriez pas être membre d’un jury à l’international.
7. Dégustez par paire. Deux chardonnays de deux régions ou de deux pays ; deux cabernets, l’un des vieux pays, l’autre du Nouveau Monde, etc. À la fois instructif et amusant.
8. Démarrez votre club de vin. Vous y gagnerez en fraternité et en échanges tout en fractionnant les coûts. Il n’y a pas de petites économies !
9. Votre première impression de dégustation, à l’image d’une rencontre, est souvent la meilleure. Ayez confiance et foncez !
10. La carafe, tout comme le soleil en hiver au Québec, n’est pas qu’une simple décoration. N’hésitez pas à brasser la cage de vos vins jeunes, surtout s’ils sont coiffés d’une capsule à vis.
11. Offrez un vin québécois en cadeau (à vous-même !), pas par nationalisme mais par conviction. Et bon goût !
12. Contournez les boutiques hors taxes aux aéroports : même Séraphin ne s’y laisserait pas berner !
13. Vivez une expérience vin. Cours, séminaires et autres rencontres permettent de saisir quelques astuces et techniques de dégustation sans trop d’efforts, sinon celui de recracher le pinard en question.
14. Vous voulez vous initier au b.a.-ba du vin ? Misez sur le livre Vive le vin ! de Karyne Duplessis Piché (Éditions La Presse).
15. Évitez d’acheter votre vin au hasard. Discuter avec un conseiller en vin ou lisez cette chronique pour mieux cerner vos goûts. Le hasard a parfois un goût de piquette !
Cinq bordeaux
Château Bourdieu No 1 2015, Blaye Côtes de Bordeaux (22,75 $ – 14147142). Le grand millésime solaire laisse ici sa marque profonde, sur le plan de la couleur comme sur celui de la substance fruitée, à la fois ample, fournie, puissante et généreuse. Ajoutez des notes empyreumatiques liées à l’élevage et vous avez là de quoi soutenir allègrement l’entrecôte grillée. (5) ★★★ ©
Château Labadie 2015, Médoc (27,60 $ – 14146828). Ce Labadie est une merveille d’équilibre et de gourmandise, renforçant cette idée que le bon bordeaux peut être élégant sans être trop austère. Le fruité y est mûr, abondant et sphérique, avec une structure parfaitement adaptée à l’élevage boisé. Longueur en bouche plus qu’appréciable. (5 +) ★★★ 1/2 ©
La Grande Demoiselle d’Hostens 2010, Listrac-Médoc (29,55 $ – 14248613). Beaucoup de bordeaux dans les millésimes 2010 et 2015 sont actuellement libérés par la SAQ à des prix qui, il y a encore peu de temps, auraient été plus doux sur le porte-monnaie. L’aventure en vaut-elle la chandelle ? À quelques exceptions près, oui. Ce second d’Hostens en témoigne, quoiqu’il gagne à être bu en deux étapes, soit aussi le lendemain sur une salade romaine type « césar » accompagnée de magret de canard tout juste chaud. C’est là que s’accomplit le miracle régional mets-vin. Ce rouge n’a pas dit son dernier mot, toutefois. Le fruité y est bien présent, savoureux, bien cadré par l’élevage, d’une persistance manifeste, à défaut peut-être de profondeur. Rien de trop appuyé, l’essence du bordeaux classique dans ce qu’il a d’élégant, de digeste. (5 +) ★★★ 1/2 ©
Pavillon de Léoville Poyferré 2015, Saint-Julien, Bordeaux, France (66 $ – 14274491). Évidemment que le prix fera sourciller, mais bon, buvons le vin. Et non le prix. Et vous serez inspiré de le déguster, car il y a ici tous les paramètres du premier vin de Léoville Poyferré, seulement en format non pas réduit mais, disons, moins profond. Et puis ce millésime 2015 qui ne cesse d’étonner, dotant les vins d’une sève riche et bien mûre avec, ici, cette trame tanique fine, fraîche et serrante typique des vins de l’appellation. Bref, sans doute payé 20 $ de trop, mais tout de même de la trempe d’un beau bordeaux classique, sans un millilitre d’austérité. (5 +) ★★★ 1/2
À grappiller pendant qu’il en reste!
Menetou-Salon Cuvée le Charnay 2017, Jean-Max Roger, Loire, France (25,80 $ – 10690519). Il y a une belle richesse dans ce 2017. Et une patine du temps qui s’installe, poussant déjà la robe citronnée soutenue plus avant. Ajoutez à la richesse la maturité du fruit et puis ce galbe sauvignonné, à la limite de l’exotisme. Le tout demeure frais, harmonieux, particulièrement charmeur. La classe. (5) ★★★ 1/2 ©
10 Janvier 2020