Vins: dans le dédale des mots

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Malgré des ventes nettes de vins et de spiritueux totalisant plus de trois milliards de beaux dollars canadiens (2016-2017), la « boisson » semble au Québec être une espèce de parent pauvre sur le plan de sa reconnaissance dans les médias comme de l’interprétation que le consommateur en fait. Curieux tout de même, car, que ce soit sur le plan économique ou sociétal, l’industrie — à moins que j’erre royalement — génère tout de même ici bien plus que quelques broutilles.

Il y a bien quelques chroniqueurs ici et là (jamais à la télévision), des sommelières et sommeliers souvent contagieusement exaltés par leur métier, une clientèle si avide de vins nature (sans sulfites ajoutés) qu’elle y troque parfois les défauts éventuels pour des qualités imaginaires, mais, somme toute, rien de sérieux. Comme si l’on tenait désormais la chose pour acquise, après seulement cinq petites décennies d’intérêt et d’émancipation. Avouons tout de même que cela représente un pas de géant dans notre histoire commune !

Mais sait-on pour autant parler de vin ? Je veux dire, monter le cheval des mots pour l’inviter au petit trot, voire au grand galop d’un descriptif aussi bridé que débridé ? À mon sens, il y a encore quelques voyelles et consonnes à mettre en place pour y boire clair. Nommer clairement et simplement sera toujours un atout. Quelques mots de base suffisent. Cinq peuvent faire l’affaire, par exemple, en ce a trait à la netteté, l’acidité, la sucrosité, le corps et l’équilibre d’ensemble. Pour le reste, il ne tient qu’au cavalier de prendre (ou pas) le mors aux dents !

La Société québécoise du cannabis a-t-elle déjà songé pour sa part à ces « pastilles de goût » qui en feront voir de toutes les couleurs le 17 octobre prochain à un consommateur qui n’en demandait pas tant ? Mais revenons à ce verbe sans lequel le vin ne serait que senti, à défaut d’être nommé.

La charmante, exubérante et… verbomotrice Marie-Thérèse Barthelmé du Domaine alsacien Albert Mann me donnait cette semaine l’occasion de revenir sur le sujet. Gérés en biodynamie sur 23 hectares (dont 7 en grand cru), les pinots noirs sont ici fins et vibrants (Clos de la Faille, Grand « H », Les Saintes Claires) alors que les rieslings (Cuvée Albert, Rosenberg, Schlossberg), pinots gris, mais surtout gewurztraminers (étincelant Steingrubler G. C.), confirment ici le niveau élevé des cuvées, mais placent aussi le dégustateur sous le choc, cherchant ses mots.

Les vins sont offerts (ou le seront prochainement), mais hélas en petites quantités pour ces Auxerrois Vieilles Vignes 2016 (26,80 $ – 12558765 – (5) ★★★), Pinot Gris Cuvée Albert 2016 (33,50 $ – 13364436 – (5 +) ★★★★) et Gewurztraminer 2017 (34,25 $ – 11967735 – (5) ★★★1/2). Vins très purs et brillants par leur éclat, ils demeurent digestes et d’une élégance significative. Des vins de temps et de lieu.

Mais comme le chroniqueur est poli, il laisse la parole à la sommelière alsacienne Anne Humbrecht pour décrire, avec ses mots, le Riesling Cuvée Albert 2016 (39,75 $ – 11449786 – (5 +) ★★★★), un bijou d’émotion qui personnellement me rend aphone. « Il se présente avec une magnifique robe intense d’un jaune soutenu, au jambage bien présent. Le nez expressif s’ouvre progressivement aux arômes de fruits mûrs de lime, de cédrat de Corse et de pamplemousse rose. Il est de bon augure. Il a une belle tenue, de la rigueur et une grande intensité. Bouche harmonieuse avec de la matière, dotée d’une belle gamme fruitée aux notes de pêche jaune et d’abricot qui lui donnent de la gourmandise. Vin pur, salin au profil vertical doté d’une superbe persistance. Sa silhouette est bien structurée, soutenue par un joli fruité qui termine sur une finale salivante. » Je n’aurais pas dit mieux.

À grappiller pendant qu’il en reste!

Joana 2016, Montsant, Espagne (16,80 $ – 13581246)

Les arômes grisants et canailles de la grenache flirtent ici avec les largesses d’un merlot qui ne demande qu’à se lier d’amitié en se fusionnant merveilleusement à l’ensemble. Il y a ici du corps, de la fraîcheur, du volume sur une approche souple, simple et décontractée. À ce prix, l’affaire est belle. (5) ★★ 1/2

 

Sardon 2015, Quinta Sardonia, Castilla Y Leon, Espagne (21,60 $ – 13581123)

Le tempranillo module ici sa puissance en pavant le palais d’une richesse et d’une densité fruitée peu communes. Un rouge corsé, intense, vigoureux, de forte personnalité. Le type de candidat à coucher sur une queue de taureau longuement braisée ou, à défaut, sur un paleron de bœuf mijoté au vin rouge et aux champignons d’automne. (5) ★★★ ©

 

Barbera d’Alba Costa Bruna 2015, Poderi Colla, Piémont, Italie (25 $ – 13674371)

La barbera squatte ici sur les terres même du grand nebbiolo en appellation Barbaresco pour en tirer une sève qui ajoute à sa fibre à peine roturière. La robe est juvénile et soutenue, le fruité net et un rien poivré bondit avec vigueur et tonus, au nez comme en bouche, alors que cette dernière offre un croquant et matière. Servir à grandes rasades sur le type de pizza qui vous branche ! (5) ★★★

 

Juveniles 2016, Tantalus, Vallée de l’Okanagan, Canada (28,05 $ – 13601382)

Les promesses à venir dessinent déjà le portrait de cette cuvée à base de chardonnay qui, comme il est indiqué sur l’étiquette, est issue des jeunes vignes du domaine. À venir oui, car l’essence pure et nette du cépage est manifeste, avec une réelle impression de finesse aromatique, bien que la joute se joue en bouche. L’ensemble demeure sec avec un fruité de pomme-poire revigoré par une tension qui lui offre un tracé de bouche impeccable. Pas donné, mais de bon niveau. (5) ★★★ ©

 


Aussi offerts en importations privées (info@vinsbalthazard.com) : Riesling Tradition 2016 (37 $ – 13785169 – (5 +) ★★★1/2) ; Pinot Gris Tradition 2016 (37 $ – 13785177 – (5 +) ★★★1/2 ©) ; Crémant d’Alsace (42,25 $ – 13785222 – (5) ★★★1/2) ; Pinot Gris G.C. Furstentum 2016 (57,50 $ – 13785214 – (5 +) ★★★★ ©) ; Riesling G. C. Furstentum (88,25 $ – 13785193 – (10 +) ★★★★1/2 ©) ; Pinot Noir Clos de la Faille 2016 (91,75 $ – 13785142 – (5 +) ★★★★).

Légende

(5) à boire d’ici cinq ans
(5+) se conserve plus de cinq ans
(10+) se conserve dix ans ou plus
© devrait séjourner en carafe
★ appréciation en cinq étoiles

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