Du vin en canette?

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J’imagine la tête d’Albéric Bichot décapsulant, telle une grenade aromatique, une canette d’aluminium de Vosne-Romanée 1er Cru Les Malconsorts 2015 à 96,85 $ (soit 193,75 $ les 75 cl). Il vous regarderait le sourire en coin sans toutefois banaliser la chose, bien qu’il sache pertinemment que la synergie du liège et du vin soit encore aujourd’hui incontournable pour un cru de ce niveau. Avec tous les risques inhérents, mais aussi l’interaction positive qui résulte de leur communion respective.

Du vin en canette ? Pourquoi pas ! Le format est pratique, recyclable et robuste. Sans compter qu’il résiste à la houle lors d’une échappée belle en chaloupe. Étant donné que plus des trois quarts de la production mondiale de vin ne trouve guère à se bonifier après l’achat en magasin, rien ne devrait s’opposer à cette forme de mise en boîte du produit sinon le fait de quelques préjugés résiduels traînant encore une patte dans le XXe siècle.

Selon les conclusions du Wine Trade Monitor 2018, présentées par l’agence Sopexa, les pays asiatiques demeurent toutefois très conservateurs en restant très attachés au vin en bouteille alors que 66 % des opérateurs locaux prédisent même une forte croissance liée aux demi-bouteilles et autres petits formats. À l’inverse, les formats alternatifs, tels la caisse-outre (bag-in-box, ou BIB) et autres canettes devraient progresser de plus de 40 % en Amérique bien que, toujours selon cette étude, « les packagings et étiquettes connectés laissent l’Amérique du Nord plus dubitative ».

Vous vous interrogez encore sur ces notions d’apparence, de qualité ou encore de traçabilité du produit ? La dégustation objective à l’aveugle dans un verre approprié, aux températures de service requises du même produit, mais provenant d’une caisse-outre ou d’une demi-bouteille devrait vous empêcher alors de tomber dans l’un des pièges classiques de la dégustation. Pour ma part, et sans vouloir froisser le sommelier sans tablier que je suis, je bois d’un bon oeil une canette de madiran bien corsé arrosant un canard bien portant, laqué ou pas !

Maison et Domaines Albert-Bichot

Passage éclair du bourguignon Albéric Bichot cette semaine au chic restaurant La Chronique, où ses bourgognes ne pouvaient qu’être mis avantageusement en valeur. Pas de vins en canettes ici, mais une production qui se taille, au fil des millésimes, la part du lion sur le plan qualitatif. Albéric était d’ailleurs tout sourire.

C’est que, sur plus de 100 hectares de vignoble du nord au sud de la Bourgogne, l’homme venait tout juste d’encuver un millésime 2018 béni aussi bien par Bacchus que Dionysos et son beau-frère. Qu’ils soient issus des domaines Long-Depaquit à Chablis, Clos-Frantin et Château-Gris à Nuits-Saint-Georges, Pavillon à Pommard, Adélie à Mercurey ou encore, Rochegrès à Moulin-à-vent, Albéric et son équipe livrent une production bio élégante et soucieuse du détail. Le hic cependant : les arrivages demeurent constants, mais lilliputiens. Quelques mots.

Santenay Les Charmes 2014 (37 $ – 12902992) C’est tracé finement, avec une jolie amplitude fruitée. (5) ★★★ 1/2

Savigny Les Beaune 1er cru Les Peuillets 2015 (59,25 $ – 13821001) Étoffe, charme immédiat, densité, mais finesse de corps. (5+) © ★★★ 1/2

Clos des Mouches 1er Cru 2016, Domaine du Pavillon, Beaune (145,25 $ – 13821385) Sève détaillée en profondeur avec nuances d’élevage exquises. (10 +) © ★★★★

Vosne-Romanée 1er Cru Les Malconsorts 2015 (193,75 $ – 11979306) Ensemble lumineux pourvu de tanins gras, au fruité lié à merveille. Un infanticide à ce stade ! (10 +) © ★★★★

Chablis 1er Cru Montmains 2015, Domaine Long-Depaquit (51 $ – 13821511) Substance, fraîcheur, énergie pure liée au terroir. (10 +) © ★★★ 1/2

Chablis Grand Cru Les Blanchots 2016, Domaine Long-Depaquit (84 $ – 13138447) Grand vin à prix correct. Race et plénitude sur amplitude sphérique, aérienne, mais en même temps profondément minérale. (10 +) © ★★★★ 1/2

Meursault 1er Cru Les Charmes 2016, Domaine du Pavillon (118 $ – 13821537) On s’approche stylistiquement des « Perrières », à la fois tendu, minéral, mais aussi large et substantiel. (10 +) © ★★★★

À grappiller pendant qu’il en reste

Sassoregale Maremma 2016, Santa Marguerita, Italie (15,60 $ – 13690127) : Eh bien, tout cela se tient. Et même plutôt bien. Ce sangiovese a de la poigne, de franches saveurs fruitées et une acidité à relancer celle de la tomate, quelle que soit la sauce qui l’accompagnera avec vos pâtes. Aux restaurateurs : pourquoi ne pas en faire profiter vos clients au prix modique de 7 $ le verre ? (5) ★★ 1/2

Pianette 2015, Fattoria Fibbiano, Toscane, Italie (18,95 $ – 13675576) : Nous sommes dans la lignée d’un Troncone 2015 « Le Raignaie » à 19,85 $ (13432515) pour ce fruité artisan bien né qui n’affiche cependant aucune prétention. Toute la Toscane sourd ici dans un contexte de fruité bien ramassé, gourmand, de belle tenue, gagnant en épaisseur sur la finale. Les pâtes sauce bolognaise lui feront honneur. (5) ★★★ ©

Chenin Blanc 2017 Survivor, Swartland, Afrique du Sud (19,95 $ – 13626088) : Les flaveurs de cédrat confit, de coing, de miel et d’épices gagnent ici en intensité sur une bouche riche, vineuse et texturée qui semble vouloir s’accommoder sans faillir d’une cuisine indienne un chouïa épicée. Un blanc sec peu acide, mais bourré de caractère, qui démontre encore une fois le potentiel certain de cette région sud-africaine. (5) ★★★

Sauvignon Blanc 2017, Domaine des Bois Vaudons, J.-F. Mérieau, Touraine, Loire, France (21,05 $ – 12564233) : On le croirait trivial alors qu’il n’est que succulent, tout simple, tout tendre et diablement sincère. Car ce sec sait baratiner et mettre en bouche, les saveurs fruitées comme les mots gonflés, sans toutefois ne rien prendre au sérieux. Et puis, ça vous colle au palais le temps d’un baiser. C’est dire. (5) ★★★

La Petite Lune 2015, Domaine de Chevalier, Bordeaux, France (21,30 $ – 13098596) : Il y a là, dans ce beau bordeaux rouge, cette fierté d’inscrire son nom sur le blason tout simple de l’appellation régionale. De la fierté, oui, mais aussi ce sens du savoir-faire, sculpté au fil des siècles, où assemblages et élevages jouent au final la carte de l’élégance, de la fraîcheur et de la digestibilité. Texture fine et homogène ponctuée de tanins mûrs et d’une finale de belle longueur. Merci, Olivier Bernard ! (5) ★★★

Piastraia 2015, Michelle Satta, Bolgheri, Italie (38,75 $ – 879197) : Au climat atlantique du Bordelais s’oppose ici le contexte méditerranéen avec toute l’intensité de sa charge émotive, sensuelle, fruitée, émotive et épicée. Difficile d’être ici distrait ou même égaré dans ses pensées. Ce rouge puissant et profond vous happe au premier nez pour mieux vous inviter à fouiller sous le terreau fertile du cuir, du tabac, des feuilles mortes et des cerises noires. Cela, avec la présence de tanins mûrs, riches, serrés et bien nourris. La très légère pointe d’astringence le destine à un séjour en cave des plus bénéfiques. C’est long et affirmé. Vin de gastronomie. (10 +) ★★★★ ©

Champagne Pierre Gerbais Grains de Celles, Champagne, France (52,50 $ – 13647014) : Soulignons la curiosité de l’agence québécoise Oenopole d’avoir déniché pour nous cette singulière cuvée vigneronne où le pinot blanc revendique ici 25 % de l’assemblage. C’est le pinot noir qui assure toutefois la charpente généreuse de l’ensemble, avec cette touche de chardonnay complémentaire, amplifiant plus encore le volume d’ensemble. La mousse mousse finement avec énergie et plénitude, installant un palais qui saura trouver à table, sur un chapon à la crème, par exemple, sa définition du bonheur. À ce prix, foncez ! (5 +) ★★★ 1/2

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