Vin: c’était meilleur avant?

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Meilleur avant le déluge ? Noé n’avait pas encore planté ses vignes préphylloxériques, alors difficile de savoir. J’ai souvenir pour ma part d’une époque où le fromage d’Oka avait un goût divin, où la Cherry Blossom de Lowney’s exigeait des heures d’exercice lingual sophistiqué pour s’approprier la cerise en question tant l’enveloppe chocolatée était charnelle et où le gallon de St-Georges Sélectionné, élaboré par Les Vins Bright, n’avait rien à voir (et n’a toujours rien à voir) avec le Nuits-Saint-Georges « Clos des Porets » Saint-Georges d’Henri Gouges.

Globalement, les vins contemporains n’ont jamais été aussi bons. J’avancerais même que nous vivons une époque en or sur le plan qualitatif, qu’il n’y a à peu près plus de vins malpropres et fautifs sur le marché. À l’exception peut-être de quelques vins nature qui prennent encore les vessies des consommateurs pour des lanternes mal allumées en laissant croire que les défauts d’autrefois sont devenus, comme par magie, les qualités d’aujourd’hui. Mais tout ça se tassera bien un jour. Alors, c’était meilleur avant (MA) ou c’est meilleur maintenant (MM) ? Dégageons quelques pistes.

Consommateur. Le choix des produits offerts était-il meilleur avant ? Qu’on en juge : avec ses 64 magasins et 383 produits proposés en 1921 à la Commissions des liqueurs, le Québécois dispose désormais aujourd’hui à la SAQ d’un réseau de 403 succursales et de plus de 12 000 produits (avec plus du double en importation privée). Vrai qu’il ne pourra pas se procurer un Château Margaux 1950 à 4,25 $ (le 1949 se négocie autour de 3460 $ aujourd’hui — MA), mais bon, le Domaine de l’Île Margaux à 20 $ n’est pas mal non plus.

L’industrialisation de l’après-guerre et le productivisme qui l’accompagne auront miné la viticulture avec des produits phytosanitaires nettement plus près du cancer que du sanitaire. La montée en flèche d’une agriculture biologique permet dorénavant ce choix de plus en plus prisé par une génération montante de jeunes consommateurs (MM), même s’il faut regretter une plus grande standardisation du produit (MA).

Une poignée de journalistes avait l’habitude de faire la pluie et le beau temps sur tout ce qui avait trait au vin (critique, prix, tendances et influences, etc.) avant l’apparition de la Grande Toile (MA ?), alors qu’un million deux cent vingt-trois influenceurs et deux clics, pardon, créateurs numériques, y vont allègrement aujourd’hui de leur grain de sel à vous confondre parfois la salière au complet (MM ?).

Industrie. Les pressions de l’industrie sur les prix auront eu la peau de vignerons qui n’auront pas su s’adapter aux nouvelles exigences du marché, que ce soit dans la grande distribution ou ici même, à la SAQ, où le citron promotionnel est parfois pressé au point où il n’y a plus que les grandes marques qui peuvent encore jouir de l’agrume en question (MA). Sur le terrain, au vignoble, l’avènement de la machine à vendanger, aussi perfectionnée soit-elle, aura infléchi la qualité du vin en aval (MA) bien qu’elle procure aussi au vigneron, à titre « d’assurance récolte », un revenu assuré en cas de pépin climatique (MM).

À cette phrase sibylline entendue dernièrement : « C’était meilleur avant parce qu’après c’est pendant », je dirais que le vin est meilleur maintenant parce demain est un autre jour et qu’hier on s’en fout. Avis aux procrastinateurs !

Photo: Domaine Laroche Henri et Madeleine Laroche au Domaine Laroche, à Chablis, en septembre 1961.

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