Languedoc, l’entre mer et montagnes (1)

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Je n’aurai certes pas l’outrecuidance de vous ensevelir sous une avalanche de chiffres et de statistiques en vous mentionnant que le Languedoc dispose de 23 appellations d’origine contrôlée (AOC) couvrant 37 000 hectares de vignobles pour une production annuelle de 178 millions de bouteilles où les rouges dominent avec 74 % de la production, contre 16 % de rosés et tout juste 10 % de blancs. Sans compter que l’ensemble culmine avec 29 % des surfaces bios plantées en France, soit 6 % des vignobles bios dans le monde. Mais ça, vous le savez déjà, alors je passe outre ces futilités à vous assommer un fonctionnaire au seuil de la retraite administrative.

Toujours est-il que… toujours est-il que, quoi ? Un pays viticole, ce n’est pas que des chiffres, mais bien des gens. Des vrais, des passionnés, bref des metteurs « en bonheur » bien plus que des metteurs en marché. J’en rencontrais quelques-uns en ce début du mois d’octobre à l’invitation du Conseil interprofessionnel des vins du Languedoc et des IGP (Indication géographique protégée) Sud de France. Un bien grand titre, il est vrai, mais une équipe, présidée par Miren de Lorgeril, bien décidée à mettre en lumière une production qu’il serait aujourd’hui incongru d’ignorer. Surtout si l’on est amateur de vins riches de terroirs à raconter.

Des AOC, mais aussi des IGP

Et que racontent ces terroirs ? Avant tout une origine. Les vignerons s’échinant, ici comme ailleurs, tels des sourciers faisant jaillir des entrailles minérales des sols tous les sucs que sont capables de livrer des cépages régionaux devenus, en raison de leur performance terrain, partie intégrante du paysage. C’est le but des AOC en quelque sorte, avec un cahier des charges bien balisé.

Le vigneron constate, par exemple, qu’une cuvée monocépage 100 % vieux carignans ou cabernet sauvignon livre, du côté des côtes du Brian (qui jouxte Minervois-la-livinière), une performance encore inégalée à ce jour, et voilà l’artiste bénéficiant de la liberté de se « replier » en IGP (anciennement Vin de pays) avec pour résultat de créer, non seulement une cuvée qui se démarque par son originalité, mais de donner l’occasion de repousser les limites qualitatives du grand « Languedoc » et ainsi se démarquer à l’international.

À celles et ceux qui croient encore en un Languedoc archaïque et figé dans le temps en 2019 : détrompez-vous ! Bien sûr, baliser climats et lieux-dits comme en Bourgogne n’est pas chose faite, mais quelques AOC se démarquent nettement. Qu’il s’agisse des appellations Corbières Boutenac, La Clape, Pic Saint-Loup, Minervois-la-livinière, Terrasses du Larzac, Côtes-du-Roussillon, Collioure ou encore Maury. À l’image de la Bourgogne, le nom du vigneron autant que le terroir demeurent essentiels pour faire un choix éclairé.

Autre source d’étonnement lors de ma visite : cette offre en blancs, à partir des grenaches blancs et gris, de carignan blanc, de bourboulenc, de clairette, de rolle et compagnie. Des vins secs souvent amples et profonds, vineux, mais aussi capteurs de cette vibration minérale essentielle aux cuvées qui, sous les cieux ensoleillés, restituent au détour une sensation de fraîcheur aussi inhabituelle qu’inattendue. Observation faite, ce sont encore les cuvées en bio et en biodynamie qui, en blanc comme en rouge, traduisent cette sensation en raison, entre autres, d’un pH faible.

Pour faire court, je dirais que le secret le mieux gardé du Languedoc actuel demeure ses vins blancs. Le potentiel y est immense, encore sous-exploité. La semaine prochaine, et avec tout le respect que je porte aux pionniers Gérard Bertrand et Jean-Claude Mas, portraits d’une nouvelle génération d’artistes amoureux de ce Languedoc de caractère, balayé par le mistral, le cers et la tramontane, entre mer et montagnes.

 

18 Octobre 2019

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