« La musique, c’est le silence entre les notes. » J’ai longuement médité ces paroles du grand Claude Debussy tout au long de ce millésime 2020 ponctué de silences. J’imaginais l’homme à son piano, jouant d’une main Arabesque no 1 alors que l’autre enfilait le chapelet de bulles d’une flûte de champagne Pol Roger, Jacquesson ou Laurent-Perrier, chatouillant subtilement l’ascension musicale de formes sonores protéiformes comme autant d’entrelacs évanescents.
« Le vin, c’est l’eau avivée par sa propre lumière. » Je me permets cette interprétation, dans la foulée musicale du célèbre musicien. Car si l’impression d’une pause a été réellement ressentie chez les humains en nous éloignant les uns des autres, mais aussi en créant et en resserrant des liens dont on avait oublié les rouages, la vigne, elle — par-delà tous les printemps de la terre entière —, dressait fièrement dans sa routine saisonnière son apex vers la lumière avec l’espoir de fruits juteux vendangés à l’automne.
Pas de pause pour la vigne. Mais des vignerons moroses, atteints dans leur sève humaine, résolus tout de même à accompagner lumière et eau dans le cycle millénaire et immuable du vin nouveau. Musical ou non, le rythme des saisons a tout de même suivi son cours, instillant, entre le silence et les notes, l’eau et la lumière, une dynamique inspirante et apaisante qui n’a jamais été aussi réjouissante que dans ce millésime 2020 rabat-joie ayant, hélas, fait aussi son lot de boit-sans-soif. Le vin comme un baume ? Disons-le comme ça.
Pas de pause non plus au Devoir, dont les pages fédéraient autour de cette chronique (et des nombreuses autres !) des moments de partage à mon sens plus que jamais nécessaires. Un privilège, pour moi, que d’y contribuer. Mais il s’est passé quelque chose. Une pause s’est glissée dans mon approche pour chacun des vins dégustés, comme si « cette eau avivée par sa propre lumière » recelait déjà des promesses d’espoir.
En effet, jamais je n’ai eu au cours de l’année écoulée cet étrange sentiment que la pléthore de vins visités — petits ou grands — étaient si précieux à mes yeux. Qu’ils avaient leur propre histoire et qu’ils me prenaient, à leur façon, par le nez, par la bouche et par la barbichette pour m’emmener chez eux, dans leurs terres, au creux de leur propre mémoire. Se sont ensuivis joies et fulgurances, émotions et tensions, réflexions et épanouissements, découvertes et approfondissements. Merci aux amis vignerons, aux agences qui les représentent au Québec et à vous aussi, amis lecteurs, d’avoir partagé avec moi, à votre façon, ce silence entre les notes tout au long de l’année qui s’achève. On reprend ça en 2021 ?